Du gloss, des strings, de la crème chantilly, du miel ... / KENNEDY <3

« Ton frère veut du gloss et ta soeur des strings. » Quelle famille équilibrée. « Tu as besoin de quelque chose toi ? » Il fallait bien faire causette dans la voiture alors que Kennedy nous conduisait au supermarché. J'avais eu la bonté de lui laisser le volant pour qu'elle m'accompagne, et on n'était pas encore mortes, une bonne nouvelle. Pas qu'elle soit nulle en conduite, mais la famille en général n'était pas très doué. Il n'y avait qu'à voir notre voiture de l'extérieur. Deux ou trois bosses … et notre boite aux lettres changeait presque chaque semaine. Bref.

Après avoir évité deux chats, une vieille dame, un écureuil et oh que ce fut difficile un abris bus, nous étions parquée devant le supermarché. Nous pouvions descendre de la voiture en toute sécurité et pénétrer dans la caverne d'Ali Baba où tu peux avoir tout ce que tu veux tant que tu paies. Ca faisait genre on est cool, on est accueillant, les portes s'ouvrent toutes seules quand tu es devant, ça ne l'était pas du tout, mais passons. Comme d'habitude, Kennedy alla prendre un caddie. Oui on avait nos habitudes. Dans chaque famille il y a ceux qui sont de corvées de courses, et les autres. Nous on était malheureusement pas les autres. Tant pis, une autre fois peut-être, dans une autre vie. Mais les courses ça pouvait être amusant … oué enfin surtout avec une gamine de quatre ans qui trouve ça hilarant d'aller « Peser les petits pois ! ». Wouhouu. Petits pois qu'elle ne mangerait jamais au passage, mais bon.

Ma main se dirigea vers la poche arrière de mon jean, pas pour me peloter les fesses non, mais pour attraper la liste des courses. Quelle était belle. Sur du papier bleu, toute la famille avait écrit qu'il désirait. Avec des écritures plus ou moins lisibles. C'était donc le moment de debriefing, où on lisait la liste pour tenter de suivre un ordre logique dans le magasin. Les boissons d'abord, les fruits et légumes, les laitages et les cosmétiques.

« Gabe a noté quoi ? Des bigoudis ? » Ca devait pas être ça, mais c'était sincèrement ce que je lisais. Venant de Rocky ça aurait pu être possible, mais pas venant de Gabe. « Bandeau, … banane ? » Fiou, un véritable mystère, mais ça pimentait nos courses, c'était sûr. En tout cas, si Kennedy, ma fille adorée, ne déchiffrait pas ses hiéroglyphes, Gabe irait faire ses courses tout seul. Na. Pour ma part, je savais très bien ce que j'y avais noté, tout comme ce que mon mari préférait.

Le samedi était le jour de la corvée courses. Enfin, comment peut-on appeler cela une corvée ? La première ou le premier qui trouve que faire les magasins (même supermarché) avec sa génitrice, c’est-à-dire sa môman, est barbant et inutile aura à faire à Kennedy. Oui, Kennedy Raccoon, fille aînée des Raccoon. Qui a un sacré pouvoir de persuasion et de séduction. C’est de famille, apparemment. Pour une fois et pour une raison inconnue, sa maman, Honnor, la laissa conduite. Avait-elle envie de perdre la vie, de changer de voiture ou de faire comme si un imbécile de conducteur leur avait barré la route. Vous comprenez ? Remboursement, dommages et intérêts, pleins de sous. Tout cela pour dire que les Raccoon n’étaient pas de très bons conducteurs, contrairement aux Hopkins, par exemple. Enfin, tout cela n’a pas été démontré. Du gloss pour Rocky et non pour Gabe et des strings pour Melody. C’est vrai, rien n’était équilibré mais plus rien ne pouvait l’étonner. Leur famille n’était peut-être pas parfaite aux yeux des autres mais pour les Raccoon, rien ne valait mieux qu’une famille heureuse, délurée, honnête, sans chichis et sans tabou. Ils pouvaient parler de tout sans aucuns jugements négatifs. Qui ne rêverait pas d’une telle famille ? « Gloss ? Il devient de plus en plus sexy ce Rocky. Strings Hello Kitty pour Melody. Elle se dévergonde. » Kennedy regarda sa mère avec un sourire en coin juste avant d’éviter une grand-mère qui traversait la rue. Pourquoi ne fait-elle pas de bruit ? Elle aurait pu avoir un appareil électronique criant: Attention, vieille dame, laissez passer. Toute deux poussèrent un long soupir de soulagement. Un accident avait été évité. Un est un petit nombre. « J’aurai besoin d’élastiques pour ma superbe crinière. Et… du miel. » C’est maman qui paie, autant en profiter.

Les deux jeunes femmes étaient enfin arrivées au supermarché en un morceau et avec la voiture intacte. Enfin –aussi intacte qu’elle pouvait l’être. La route n’avait peut-être pas été de tout repos mais l’important est l’arrivée, non ? Saines et sauves, Kennedy prit soin de garer la voiture non loin de l’entrée en s’accaparant deux places de parking. Rien que ça. Évidemment, c’était pour plus sécurité. Kennedy a toujours eu un léger problème pour se garer. Enfin, s’il n’y avait que ça…

Comme à son habitude, Ken prit un caddie. La nouvelle technologie est quand même bien faite, non ? Des cartes de crédits, des caisses électroniques et surtout, des portes qui s’ouvrent toutes seules lorsqu’on est devant. Ça l’avait toujours fascinée.

Liste de courses sortie, les deux Raccoon se dirigèrent vers le rayon des boissons. Suivre un ordre logique dans le magasin avait toujours été une habitude. Et comme le dicton le dit: briser une habitude est comme briser le couple de vos parents. Ou pas. Gabe et son incroyable écriture illisible avait encore marqué sur ce superbe papier bleu un mot illisible. Elles ne cesseront jamais de lui répéter: écris en lettres capitales. Sait-il ce que cela veut dire ? Peut-être pas. Non, ça ne pouvait pas être des bigoudis, ni un bandeau. Des bananes ? Pourquoi pas ? « Baguette ?... Bandage. » Kennedy plissa les yeux. « Boxer ?… Boulons ?... Boutons ? De la crème pour l’acnée, peut-être ? » Tout cela semblait invraisemblable. « Tu es sûre que c’est un B cette lettre ? Ça peut être un P, non ? Pour poisson, paillasson... préservatifs ? Non, il ne serait pas si poli. » Mystère. Aventure. Gabe pimentait les courses. Quel coquin.

On était arrivée sans égratignure … enfin mis à part celles que mon cher mari m'avait gratiné la veille au soir. Mais le dessin est inutile pour expliquer la chose, revenons-en aux courses. On était dans le supermarché, un caddie que Kennedy poussait. Oui j'allais pas trop en faire non plus quand même hein, et puis elle conduisait la voiture, elle conduisait le caddie, c'était ainsi. Elle aurait moins de mal dans cette deuxième tâche d'ailleurs. Pas que le supermarché ne soit pas rempli de vieux, mais il n'y avait ni écureuil, ni tout autre animal, ni abris bus, une véritable victoire.
Mais l'accident était proche … en restant toutes les deux aussi concentrées sur l'écriture de Gabe, on n'oubliait de regarder devant nous. Que les gens se poussent. Ma fille avait de grandes idées, mais ça m'étonnait qu'elle ait mentionné ce que mon cher fils ainé désirait. « Je vois pas ce qu'il ferait d'une baguette … ton autre frère peut-être mais pas Gabe. Des boutons, des boulons non sauf si il a cassé son lit … mais c'est peut-être pas un B en effet … mais on a pas de poisson, il en mange jamais et niveau préservatif on en achète toujours alors inutile de le mentionner. » En effet. C'était bien la seule chose qu'on achetait régulièrement. Chaque semaine on en prenait quatres boites, et dès le samedi soir, on procédait à la répartition équitable autour du repas. Une boite pour chaque enfant. Certains les utilisaient, d'autres pas … mais il était déjà arrivé à Rocky d'en utiliser. Sûrement pour s'entraîner sur une courgette … sinon je voyais pas comment. Mais passons.

« Dans le doute, prenons lui des boxers … ça ira avec les string de ta soeur. Qui oui se dévergonde enfin. C'est mignon tu trouves pas ? » Chaque famille a ses critères de mignonneté. Mais c'était presque émouvant de voir la petite dernière devenir une femme, et perpétrer la tradition familiale. Et a ce rythme là, elle aurait des rapports avant son grand frère … ça c'était une honte, mais passons.

On avançait dans le magasin, doucement mais sûrement. On avait une idée de ce qu'il fallait acheter désormais. On s'arrêta devant le rayon boissons pour prendre ce qu'on avait à prendre. « T'arrive à prendre les jus là-bas ? » Pendant que je prenais le lait oui je ne déléguais pas tout. « Plein de vitamines ça pourra pas faire de mal à ton père. » Il n'y avait toujours pas besoin d'un dessin pour expliquer le pourquoi du comment. Et en règle générale, des vitamines feraient du bien à tout le monde.

Ce rayon n'était pas notre préféré. Du coup, on passa rapidement à la suite. Kennedy continuait d'essayer d'éviter les obstacles en chemin, ce qui était devenu plus dur depuis que le caddie avait prit du poids. C'est toujours plus dur de guider quand il y a trop de poids. Bref. « On va prendre ton miel … mais tu en as besoin pour quoi en fait, tu déjeunes jamais ? » Moi naïve ? Non, juste très curieuse.